Je suis née de cent mille yeux sur les cheminées de tes nuits pour pleurer cette terre où je n’ai plus de racine ! Je suis née en marche vers le fleuve obscur d’après guerre, baptisée dans une basilique qui donne à fuir, avec l’eau d’un vase qui n’avait plus l’âge de vérité !
Je suis née de cent mille yeux, fatiguée de mon poids, de mon combat tout au long du jour. Je suis née ici, dans le jardin des yeux de la mort qui me parle de toi ! Je suis née loin des hommes et des femmes, seule et écorchée !
Un jour tu entendras les horloges de toutes les gares et toutes les cloches des églises sonner. Une plume se posera sur ton poste de télévision, elle te dira combien je suis restée fidèle à moi-même, femme en ce monde !
Je serai sous un vieil acacia sur la colline, sous la pluie et le soleil, je serais là, sous les rires et les chants pour tourner la page de ta haine et de tes terribles colères !
Et, pendant que le tailleur te fera un costume pour tes noces de wagon-couchettes, je danserai nus pieds dans les flaques, je serais libre …